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[MISE A JOUR AU 23.04.2020] – COVID-19 : IMPACT DE LA SUSPENSION DES DÉLAIS JUDICIAIRES EN DROIT DU TRAVAIL
Posted on 10 April 2020 in COVID-19 > Employment, Pensions & Immigration

En date du 18 mars 2020, le Grand-Duc a déclaré l’état de crise, conformément à l’article 32, §4 de la constitution, considérant que la pandémie de COVID-19 constitue une menace réelle pour les intérêts vitaux de la population nécessitant la prise de mesures urgentes et immédiates devenues indispensables afin de protéger la population (http://data.legilux.public.lu/file/eli-etat-leg-rgd-2020-03-18-a165-jo-fr-pdf.pdf).

L’état de crise a été prorogé pour trois mois par la loi du 24 mars 2020, soit jusqu’au 24 juin 2020. (http://data.legilux.public.lu/file/eli-etat-leg-loi-2020-03-24-a178-jo-fr-pdf.pdf)

Le 25 mars 2020, le Grand-Duc a promulgué un règlement portant suspension des délais en matière juridictionnelle suivant les termes duquel, « Tous les délais  prescrits dans les procédures devant les juridictions judiciaires, administratives, militaires et constitutionnelle sont suspendus. » (http://data.legilux.public.lu/file/eli-etat-leg-rgd-2020-03-25-a185-jo-fr-pdf.pdf). Ce règlement a fait l’objet de plusieurs modifications :

En date du 22 avril 2020, le Grand-Duc a également promulgué un règlement portant suspension des délais en matière de recours non contentieux et contentieux de la sécurité sociale, clarifiant ainsi la situation.

 

Quelles conséquences en matière de droit du travail sur les affaires en cours devant les juridictions ?

Le règlement grand-ducal portant suspension des délais en matière juridictionnelle a une incidence sur les affaires de nature civile, dont notamment les affaires de droit du travail.

Toutefois, la suspension des délais concerne pour le moment les procédures écrites uniquement, c’est-à-dire pour ce qui est du contentieux du travail, les procédures devant la Cour d’appel de Luxembourg. Les procédures orales, autrement dit essentiellement celles qui se meuvent devant le Tribunal du travail en première instance (mais aussi les procédures de référé devant la Cour d’appel) ne sont pas impactées.

En conséquence :

  • Les délais de mise en état dans les procédures d’appel (hors référés) sont suspendus pendant l’état de crise. Ces délais sont ceux qui courent entre l’introduction d’une affaire en justice et le prononcé du jugement et qui sont octroyés aux mandataires des parties afin de leur permettre d’échanger leurs pièces et conclusions écrites, et aux juges chargés de trancher l’affaire afin d’instruire le dossier en analysant les arguments de chacun. Dans ces affaires, la justice s’en remet donc au bon vouloir des parties pour continuer l’instruction des litiges ; et

 

  • Les procédures de première instance devant le tribunal du travail, mais également les procédures de référés, qu’il s’agisse de celles pendantes devant le Président du Tribunal du travail ou devant la Cour d’appel, qui sont en principe orales, ne sont pas impactées (dans la mesure où il n’y a pas de mise en état), sauf les cas où le juge a expressément demandé aux parties de prendre position par écrit en leur imposant un délai à ces fins ;

 

Qu’en est-il des délais de recours ?

Les délais de recours devant les juridictions judiciaires et administratives sont également suspendus durant l’état de crise. Il en va ainsi des délais d’opposition ou d’appel des décisions rendues en première instance par le Tribunal du travail ou le Président du Tribunal du travail, ainsi que du délai pour se pourvoir en cassation contre les arrêts rendus par la Cour d’appel de Luxembourg, siégeant en matière de droit du travail.

Le règlement grand-ducal prévoit également que les délais préfix, les délais de forclusion, les délais de déchéance et de prescription extinctive sont également suspendus.

Ainsi par exemple, le délai permettant au salarié d’agir en licenciement abusif, qui est de trois mois, respectivement d’un an (suivant que le salarié a ou non contesté son licenciement durant le délai initial de trois mois), est suspendu pendant la durée de l’état de crise.

Lorsque de tels délais viennent à échéance pendant l’état de crise, ils sont reportés de deux mois à compter de la date de la fin de l’état de crise (celle-ci étant actuellement fixée au 24 juin 2020 en vertu de la loi du 24 mars 2020).

Lorsque de tels délais viennent à échéance dans le mois suivant la fin de l’état de crise, ils sont reportés d’un mois à compter de leur date d’échéance.

 

Quid des affaires qui doivent être plaidées pendant l’état de crise ?

Tout dépend si l’on est en présence d’une procédure écrite ou orale.

Pendant la durée de l’état de crise, les affaires soumises aux règles de la procédure écrite qui sont en état d’être jugées pourront être prises en délibéré sans la présence des mandataires des parties si ces derniers sont d’accord.

Au plus tard 48 heures avant l’audience fixée pour plaidoiries, les mandataires des parties devront en effet faire savoir à la juridiction saisie s’ils entendent se présenter pour plaider l’affaire : si tel est le cas les plaidoiries seront refixées ultérieurement, sinon ils seront dispensés de se présenter physiquement à l’audience, seront réputés y avoir réitérés les arguments contenus dans leurs écrits antérieurs et l’affaire sera prise en délibéré (ils seront ensuite informés par voie électronique de la date de prononcé du jugement).

En ce qui concerne les procédures orales, le règlement grand-ducal ne règle pas la question du déroulement des plaidoiries. Toutefois, afin de limiter la propagation du Covid-19, les juridictions du travail ont pris des mesures par voie de circulaires administratives émanant des présidents de juridictions afin de reporter les affaires non-urgentes.

Ainsi, devant la Cour d’appel de Luxembourg, le Tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette et le Tribunal du travail de Luxembourg, les affaires non-urgente sont refixées jusqu’à nouvel ordre.

Les parties qui ont vu leurs affaires refixées seront re-convoquées par le greffe le moment venu, ou informées de la nouvelle date d’audience via leurs avocats lorsqu’elles sont représentées.

 

Ne sont en revanche pas concernés par la suspension les délais, les délais extra-judiciaires suivants (liste non exhaustive) :

  • Le délai endéans lequel la faute grave du salarié peut être valablement invoquée par l’employeur afin de le licencier avec effet immédiat (1 mois) ;
  • Les délais de préavis en cas de de licenciement comme en cas de démission, qui restent donc identiques ;
  • Le délai octroyé au salarié licencié avec préavis afin de demander les motifs de son licenciement, qui est de 1 mois à compter de la réception de la lettre de licenciement par le salarié ;
  • Le délai octroyé à l’employeur pour fournir à son salarié les motifs de son licenciement avec préavis, qui est de 1 mois à compter de la réception par l’employeur de la demande de motifs ;
  • Le délai endéans lequel le salarié doit prévenir son employeur en cas d’incapacité de travail (premier jour), et le délai endéans lequel il doit faire parvenir son certificat médical d’incapacité à son employeur (trois jours) afin d’être protégé contre un licenciement;
  • Le délai de protection contre le licenciement en cas de maladie, qui est de 26 semaines consécutives ; à noter toutefois que ce délai a été suspendu pour la durée de l’état de crise par un règlement grand-ducal modifié du 8 avril 2020 (http://data.legilux.public.lu/file/eli-etat-leg-rgd-2020-04-08-a266-jo-fr-pdf.pdf) (v. également notre newsletter « Covid 19 –Employeurs : ce que vous devez savoir ! https://molitorlegal.lu/covid-19-employeurs-ce-que-vous-devez-savoir) ;
  • Le délai de protection contre le licenciement en cas de reclassement, qui court à compter de la saisine de la commission mixte jusqu’à l’expiration du 12ème mois suivant la notification de la décision de la commission mixte.

 

Quid des délais de procédure devant les juridictions sociales ?

Le règlement grand-ducal modifié du 25 mars 2020 vise les juridictions judiciaires, administratives, militaires et constitutionnelle. Les juridictions sociales que sont le Conseil Arbitral de la sécurité sociale et le Conseil Supérieur de la sécurité sociale n’étaient pas expressément visées par ce règlement de sorte qu’il subsistait une incertitude sur la suspensions des délais en matière de contentieux de la sécurité sociale.

Le règlement grand-ducal du 22 avril 2020 est venu combler cette incertitude, en suspendant certains délais en matière de recours non-contentieux et contentieux de la sécurité sociale pendant la durée de l’état de crise.

Sont ainsi suspendus :

  • Les délais de recours gracieux à l’encontre des décision présidentielles des institutions de la sécurité sociale ;
  • Les délais de recours gracieux devant la Commission de surveillance de la sécurité sociale ; et
  • Les délais de recours contentieux devant le Conseil Arbitral de la sécurité sociale et le Conseil Supérieur de la sécurité sociale ;
  • Les délais de forclusion ou de déchéance devant normalement être respectés pour l’introduction desdits recours gracieux ou contentieux.

Ne sont en revanche pas suspendus les délais de convocation dans les affaires qui ont d’ores et déjà été introduites.

Le règlement grand-ducal précise que la suspension du délai interrompt temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. L’administré souhaitant introduire un recours après la fin de l’état de crise aura donc tout intérêt à calculer précisément le délai déjà écoulé.

Or, à cet égard, une incertitude quant à la date du début de la suspension des délais demeure, dans la mesure où le règlement grand-ducal énonce que les délais sont suspendus « pendant la durée de l’état de crise telle que fixée par la loi du 24 mars 2020 portant prorogation de l’état de crise déclaré par le règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 » (période ayant débuté le 18 mars 2020), tout en précisant cependant que le règlement « produit ses effets au 26 mars 2020 ».

Afin d’éviter toute forclusion ou fin de non-recevoir, il est donc conseillé de prendre en compte le délai déjà couru jusqu’au 26 mars 2020 (et non jusqu’au 18 mars).

 

Quid en cas d’affaire urgente ?

Les juridictions du travail et de la sécurité sociale, tout comme les institutions de sécurité sociale et la Commission de la sécurité sociale, peuvent à la demande d’une partie, à titre exceptionnel et dans les cas d’urgence, déroger à la suspension des délais précités, après avoir sollicité la position écrite ou orale de la ou des autres parties au procès.

Par ailleurs, les affaires urgentes qui sont fixées pour plaidoiries devant les juridictions du travail pendant l’état de crise continuent d’être traitées. Il en va ainsi, par exemple, de la procédure de demande d’octroi du chômage par provision en cas de licenciement ou de démission avec effet immédiat pour faute grave de l’autre partie. À ce stade toutefois, il revient aux juges de déterminer souverainement quelles sont les affaires urgentes et celles qui ne le sont pas.

 

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