Si, comme nous l’indiquions dans nos précédentes newsletters[1], le régime CovidCheck était possible, mais restait jusqu’alors optionnel pour les entreprises luxembourgeoises hors secteur HORECA[2], la loi du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19[3], suite aux modifications apportées par les lois du 16 décembre 2021[4] et 24 décembre 2021[5] (la « Loi ») prévoit désormais l’obligation, pour l’ensemble des entreprises luxembourgeoises, quel que soit leur secteur d’activité, de mettre en place un régime CovidCheck applicable à leurs salariés à compter du 15 janvier 2022.
En son état actuel, la Loi prévoit qu’une telle mesure est applicable jusqu’au 28 février 2022. Bien entendu une prolongation de cette mesure au-delà de ce délai ne peut être exclu, et paraît même fort probable au vu de l’évolution actuelle de la situation sanitaire.
A. Quelles conséquences pour l’employeur ?
Tout employeur luxembourgeois sera à compter du 15 janvier 2022 tenu de vérifier (personnellement ou par le biais d’une personne désignée) que chacun de ses salariés dispose d’un certificat CovidCheck « 3G » valable avant qu’il ne puisse accéder à son lieu de travail.
Par certificat CovidCheck « 3G », la Loi entend désormais :
- Soit un certificat de vaccination (schéma vaccinal complet) muni d’un QR code ou établi par le directeur de la santé ou son délégué ;
- Soit un certificat de rétablissement muni d’un QR code ;
- Soit un certificat négatif établi à la suite d’un test PCR effectué dans les 48 heures précédentes ou à la suite d’un test antigénique effectué dans les 24 heures précédentes, tous deux par des professionnels de santé certifiés ;
- Soit un certificat de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19 mais à condition de pouvoir également se prévaloir d’un certificat de test négatif tel que mentionné au point précédent ou d’un résultat négatif à un test d’autodiagnostique réalisé sur place.
L’inspection du Travail et des Mines est en charge de contrôler l’application du régime CovidCheck. L’Employeur refusant de se soumettre à ce régime encourra donc des amendes administratives[6], voire des sanctions pénales[7].
Pour faciliter la procédure de vérification des certificats CovidCheck des salariés, la Loi prévoit qu’une liste des salariés vaccinés ou rétablis pourra être tenue par l’employeur (personnellement ou par le biais d’une personne désignée). Attention toutefois : ne pourront figurer sur cette liste que les salariés qui auront donné leur accord[8] et elle ne pourra contenir que leurs noms, prénoms et la durée de validité de leur certificat. Les salariés pourront demander leur retrait de cette liste à tout moment et sans avoir à justifier de motifs. A cet égard, le(s) règlement(s) interne(s) relatifs au traitement des données personnelles des salariés devra(ont) être adapté(s)[9]. Cette liste ne pourra être tenue que pendant la durée de validité de la Loi[10] et devra être détruite à l’issue.
Pour les salariés qui ne souhaitent pas figurer sur cette liste, l’employeur n’aura d’autre choix que d’effectuer un contrôle quotidien via l’application CovidCheck afin de permettre leur accès aux locaux de l’entreprise.
Concernant cette liste, il est surprenant de constater que le législateur ne vise expressément, au titre des salariés pouvant y figurer, que deux des trois certificats CovidCheck, à savoir la vaccination et le rétablissement, mais non les certificats négatifs sur base d’un test PCR ou antigénique. Or, ces derniers constituent également des certificats CovidCheck « 3G » valables, au même titre que les certificats de vaccination ou de rétablissement. Ce point ne peut manquer d’interroger : cela signifie-t-il que les salariés disposant d’un certificat valable sur base d’un test PCR ou antigénique négatif ne peuvent pas figurer sur cette liste, même s’ils le souhaitent ? Est-ce une intention délibérée du législateur visant à encourager la vaccination (en prévision de la mise en place d’un CovidCheck « 2G ») ? Ou bien le législateur les a-t-il simplement négligés pour des raisons pratiques, la durée de validité extrêmement courte de tels certificats (24 ou 48 heures) rendant l’intérêt de figurer sur une telle liste très limité ?
Afin de prévenir les falsifications ou usurpations de certificats CovidCheck, le législateur impose à l’employeur l’obligation de vérifier (personnellement ou par le biais d’une personne désignée) la concordance entre l’identité indiquée sur le certificat CovidCheck présenté et celle de son détenteur. Il s’agit d’un pouvoir important donné aux employeurs (qui devront en faire un usage limité aux seules fins et dans les limites de la loi), qui provoque de vifs débats dans les pays voisins[11].
Enfin, si le régime CovidCheck « 3G » est rendu obligatoire pour les salariés de l’entreprise afin d’accéder à ses locaux, il n’en est pas de même concernant les personnes extérieures à l’entreprise (clients, prestataires…), la Loi prévoyant simplement la possibilité pour l’entreprise de le leur imposer. Cette application facultative aux tiers ne concerne bien entendu pas l’accès aux locaux par les clients des entreprises du secteur HORECA, pour lesquels le régime CovidCheck « 3G » était obligatoire depuis le 1er novembre 2021, et qui à compter du 15 janvier prochain, devront présenter un certificat CovidCheck « 2G + »[12].
B. Quelles conséquences pour le salarié ?
Si le salarié refuse ou est dans l’impossibilité de présenter un certificat CovidCheck valable, il n’aura pas le droit d’accéder aux locaux de l’entreprise.
Contrairement aux dispositions légales précédentes qui restaient muettes sur le sujet, la Loi prévoit désormais explicitement qu’aucune sanction disciplinaire ne pourra être prise contre ces salariés, et notamment qu’aucun licenciement ne pourra être prononcé contre le salarié au seul motif qu’il n’a pas présenté de certificat CovidCheck valable et est ainsi absent de son poste de travail.
La Loi dispose qu’un tel licenciement est nul et de nul effet et que le salarié ainsi licencié pourra en conséquence demander au président du Tribunal du travail, dans les quinze jours de son licenciement et par simple requête, qu’il constate la nullité et prononce sa réintégration. La Loi n’a pas prévu, à la différence des délégués du personnel, la possibilité pour le salarié licencié à tort de choisir entre une action en nullité du licenciement et une action en licenciement abusif. Il n’est toutefois pas exclu que la jurisprudence l’admette, comme elle l’a fait pour les salariées licenciées enceintes ou durant leur congé maternité.
Si la Loi interdit expressément de licencier un salarié au seul motif qu’il ne peut pas, ou ne veut pas, présenter de certificat CovidCheck valable, nous restons néanmoins d’avis, comme nous l’avions déjà évoqué dans notre précédente newsletter[13] que si l’employeur est en mesure de démontrer que les absences prolongées ou répétées de ce salarié entraînent une désorganisation de l’entreprise ou du service, cette désorganisation pourrait justifier un licenciement avec préavis.
En tout état de cause, les jours d’absence du salarié n’ayant pas pu ou voulu présenter de certificat CovidCheck valable pourront être déduits, d’un commun accord avec l’employeur, de ses congés annuels légaux et/ou conventionnels. En l’absence d’accord entre l’employeur et le salarié ou si le salarié ne dispose plus de suffisamment de jours de congés, les heures non prestées ne seront pas rémunérées.
Dans ce dernier cas, et contrairement à un congé sans solde, le contrat de travail ne sera pas suspendu de sorte que :
- le salarié restera affilié à la sécurité sociale (mais le calcul des cotisations en sera impacté) ;
- la période d’absence non-rémunérée sera assimilée à une période de travail effectif pour l’acquisition des congés payés et le calcul de l’ancienneté du salarié.
Toutefois, cette période d’absence non-rémunérée ne sera pas prise en compte pour le calcul des indemnités de chômage ou de reclassement et les salariés ne disposant pas ou refusant de présenter un certificat CovidCheck à leur employeur ne pourront pas non plus être admis au bénéfice du chômage partiel.
[1] https://molitorlegal.lu/back-to-work-the-health-situation-in-businesses-with-regard-to-covid/ et https://molitorlegal.lu/sesame-ouvre-toi-covidcheck-en-entreprise/ –.
[2] Pour les entreprises du secteur HORECA ce régime s’impose à l’intérieur des locaux pour clients et salariés depuis le 1er novembre 2021 en vertu d’une loi du 18 octobre 2021 (https://legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/2021/10/18/a732/jo)
[3] Pour une version consolidée applicable au 15 janvier 2022 de la loi du 17 juillet 2020 : https://legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/2020/07/17/a624/consolide/20220115.
[4] https://legilux.public.lu//eli/etat/leg/loi/2021/12/16/a875/jo: Loi du 16 décembre 2021 portant modification :
1° de la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 ;
2° de la loi modifiée du 6 janvier 1995 relative à la distribution en gros des médicaments ;
3° de la loi modifiée du 20 juin 2020 portant 1° dérogation temporaire à certaines dispositions en matière de droit du travail en relation avec l’état de crise lié au Covid-19 ; 2° modification du Code du travail ;
4° de la loi modifiée du 24 juin 2020 portant introduction de mesures temporaires relatives à la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 et à la loi modifiée du 27 mars 2018 portant organisation de la sécurité civile dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ;
5° de la loi modifiée du 24 juin 2020 portant introduction d’une mesure temporaire relative à l’application de l’article 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ;
6° de la loi modifiée du 24 juin 2020 concernant la célébration du mariage dans un édifice communal autre que la maison communale dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid-19 ;
7° de la loi du 24 juillet 2020 portant dérogation temporaire aux articles L. 524-1, L. 524-2, L. 524-5, L. 541-1 et L. 541-2 du Code du travail ;
8° de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant dérogation temporaire à l’article L. 121-6 du Code du travail ;
9° de la loi modifiée du 19 décembre 2020 ayant pour objet la mise en place d’une contribution temporaire de l’État aux coûts non couverts de certaines entreprises ;
10° de la loi modifiée du 19 décembre 2020 ayant pour objet la mise en place d’une nouvelle aide de relance ;
11° de la loi modifiée du 22 janvier 2021 portant : 1° modification des articles L. 234-51, L. 234-52 et L. 234-53 du Code du travail ; 2° dérogation temporaire aux dispositions des articles L. 234-51, L. 234-52 et L. 234-53 du Code du travail.
[5] https://legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/2021/12/24/a939/jo: Loi du 24 décembre 2021 portant modification :
1° de la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19 ;
2° de la loi modifiée du 19 décembre 2020 ayant pour objet la mise en place d’une contribution temporaire de l’État aux coûts non couverts de certaines entreprises ;
3° de la loi modifiée du 19 décembre 2020 ayant pour objet la mise en place d’une nouvelle aide de relance
[6] L’ITM pourra en effet infliger des amendes administratives dont le montant sera fixé en fonction du degré de gravité de l’infraction aux entreprises refusant notamment de se conformer à ses injonctions (article L.614-3 du Code du travail).
[7] Article L.314-4 du Code du travail duquel il ressort notamment que toute infraction à l’obligation de l’employeur d’assurer la sécurité et la santé de ses salariés est passible de sanctions pénales (emprisonnement de 8 jours à 1 mois et/ou amende de 251 à 25.000 euros).
[8] Selon nous, et même si la Loi ne le précise pas, il ne peut s’agir que d’un accord écrit pour des raisons probatoires – Nous conseillons d’ailleurs aux employeurs d’obtenir ce consentement par le biais d’un formulaire dédié signé en double exemplaire pour chacune des parties.
[9] Afin d’intégrer la possibilité pour l’employeur de tenir une telle liste et de préciser sa finalité.
[10] 28 février 2022 en l’état actuel de la Loi.
[11] Parmi les pays frontaliers, seule l’Allemagne semble s’y être risquée pour le moment en limitant néanmoins ce pouvoir aux restaurateurs et responsables d’évènements culturels. La possibilité de procéder à des contrôles est envisagée en France et en Belgique mais y provoque encore de vifs débats.
[12] Le client ayant atteint l’âge de douze ans et deux mois doit non seulement présenter un certificat de vaccination ou de rétablissement mais également, soit effectuer un test autodiagnostique servant au dépistage du SARS-CoV-2 sur place, soit présenter un test PCR ou un test antigénique rapide SARS-CoV-2 certifié en cours de validité. Le client est dispensé de l’obligation de test s’il a déjà reçu la vaccination de rappel (3ème dose ou « booster »). Ce régime vaut pour l’intérieur et les terrasses des établissements.
[13] https://molitorlegal.lu/back-to-work-the-health-situation-in-businesses-with-regard-to-covid/