Le Ministre des Classes Moyennes a déposé le 8 avril 2022 un projet de loi n° 7989 (le « Projet ») réformant la loi modifiée du 2 septembre 2011 règlementant l’accès aux professions libérales, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales (la « Loi »). Désireux de refléter l’évolution d’une économie luxembourgeoise en pleine expansion le Projet, toujours en cours d’examen, propose un cadre juridique qui stimulera l’entreprenariat.
Parmi les nouveautés les plus intéressantes, plusieurs concernent directement les professions liées à l’immobilier. Le présent article propose de faire un tour d’horizon de ces dernières avant de revenir brièvement sur la série de mesures visant à simplifier la procédure d’obtention/de renouvellement d’une autorisation d’établissement quelle que soit la profession concernée.
A noter toutefois que le Projet est encore susceptible d’évoluer avant son adoption. Il fera en effet dans les prochains mois l’objet d’une revue par différentes commissions et d’avis rendus par différentes chambres avant qu’intervienne le vote final à la Chambre des députés.
Afin de répondre à l’évolution des pratiques professionnelles immobilières, le Projet prévoit de faire entrer dans la Loi les deux professions suivantes, lesquelles tendent de plus en plus à devenir autonomes par rapport à d’autres activités préexistantes :
En conséquence, nul ne pourra, dans un but de lucre, exercer, de manière habituelle à titre principal ou accessoire, une de ces deux professions sur le territoire du Grand-Duché sans être titulaire d’une autorisation d’établissement sous peine de s’exposer aux sanctions pénales prévues par l’art. 39 de la Loi. Il s’agit, pour les personnes physiques d’une peine d’emprisonnement de huit jours à trois ans et d’une amende de 251 à 125.000 euros ou d’une de ces peines seulement, et pour les personnes morales, d’une amende de 500 à 250.000 euros. La fermeture provisoire de l’établissement concerné peut aussi être encourue.
Conformément au texte du Projet, toute entreprise qui souhaitera exercer une activité de location de bureau et d’espace de travail partagé devra au préalable solliciter et obtenir une autorisation d’établissement pour activité et services commerciaux de location d’espace de travail partagé ou bureau avec services auxiliaires.
Cette nouveauté semble directement liée à l’explosion des centres d’affaires, en ce compris des centres dits de « coworking », au Luxembourg ces dernières années, certains centres permettant à leurs clients de domicilier leur siège social à l’adresse louée. La limite entre la location de bureaux et la domiciliation tend à devenir très floue. La plupart de ces prestataires de services ne se considérant d’ailleurs pas comme des agents domiciliataires, ils ne respectent pas les dispositions légales qui leur sont applicables, et notamment la loi modifiée relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme. En incluant l’activité de location de bureau et d’espace de travail partagé dans le cadre de la Loi, le Projet vise principalement à faire en sorte que la Loi soit en concordance avec la législation et les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.
Il s’agit là d’un point important du Projet.
Les activités d’exploitation d’hébergement tendent en effet à se multiplier au Grand-Duché comme partout ailleurs, compte tenu de l’apparition des plateformes internet de mise à disposition d’unités de location à courte durée.
Si la société Airbnb n’a pas voulu divulguer le nombre de propriétés qu’elle répertorie au Luxembourg, ni le montant des revenus qu’elle en tire, le journal Luxemburger Wort relève en juin 2022 qu’il existerait plus de 700 hôtes Airbnb au Luxembourg, gagnant généralement 3.700 € par an en partageant leur maison pendant 50 jours en moyenne.
Pour prendre en compte cet état de fait , une redéfinition de l’activité d’exploitant d’hébergement fait son apparition, dorénavant considérée comme « l’activité commerciale consistant à louer des unités de logement à destination d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».
Le Projet impose alors qu’un tel exploitant d’établissement d’hébergement obtienne une autorisation d’établissement si l’activité s’étale sur une durée cumulée de trois mois dans le cadre d’une année.
La raison de ce délai de trois mois est de respecter un équilibre entre d’un côté, la liberté de louer occasionnellement un logement privé et de l’autre côté, la nécessité de réguler toute activité s’apparentant à l’exploitation d’un établissement d’hébergement.
En pratique, chaque unité de location, définie par le Projet comme un « espace de logement meublé tel qu’une chambre d’hôtel, un studio, un appartement ou une maison à destination d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois », possèdera son propre décompte de nuitées et s’additionnera à l’ensemble des autres unités offertes à la location par le même propriétaire d’hébergement.
Les propriétaires d’unités de location qui deviennent, après le dépassement de la période de trois mois, des exploitants d’établissements d’hébergement devront ainsi accomplir avec succès la formation portant sur les règles générales d’hygiène des denrées alimentaires, les modalités de vérification du respect desdites règles, le respect des droits de l’Homme ainsi que la protection des mineurs. Cette formation sera à réaliser dans un délai de six mois suivant la réalisation du seuil de trois mois.
Le Projet prévoit également toute une série de mesures visant à simplifier la procédure d’obtention/de renouvellement d’une autorisation d’établissement, telles principalement :
A noter toutefois que dans le but de mettre fin à des abus d’utilisation du système des autorisations provisoires, une telle autorisation ne pourra plus être accordée en cas de départ du dirigeant qu’à la condition expresse que l’entreprise demanderesse dispose déjà d’une autorisation d’établissement depuis au moins six mois.
Délivrée pour une durée maximale de 6 mois, l’autorisation provisoire pourra toujours être renouvelée pour une durée identique, à l’exception toutefois de certaines activités dont notamment la location d’espace de travail partagé ou bureau avec services auxiliaires.
S’agissant enfin des autorisations d’établissement délivrées avant l’entrée en vigueur du Projet , elles resteront temporairement valables dans le sens où le Projet prévoit la mise en place d’un régime transitoire. Toute personne physique ou morale détentrice d’une autorisation d’établissement au moment de l’entrée en vigueur du Projet, disposera en effet d’un délai de deux années suivant son entrée en vigueur pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions, concernant notamment les nouvelles professions immobilières.