Publiée le 28 août 2023 au Journal officiel du Grand-Duché, la loi du 26 juillet 2023 portant modification de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales (la « Loi de 2023 ») réforme en profondeur le droit d’établissement.
Issue du vote par les députés, le 21 juillet dernier, du projet de loi n° 7989 portant modification de la loi modifiée du 2 septembre 2011 (la « Loi de 2011 ») règlementant l’accès aux professions libérales, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, la Loi de 2023 est applicable à toute demande d’autorisation d’établissement déposée à partir du 1er septembre 2023.
Parmi les nouveautés les plus intéressantes, plusieurs concernent notamment les professions/activités liées à l’immobilier. Le présent article fait un tour d’horizon de ces principales nouveautés afin de vous aider à vous familiariser avec les nouvelles règles applicables.
Afin de répondre à l’évolution du marché immobilier et de ses pratiques professionnelles, la Loi de 2023 règlemente les deux « nouvelles » professions et l’activité immobilières suivantes :
1.1. L’apporteur d’affaires immobilier
La Loi de 2023 définie l’activité d’apporteur d’affaires immobiliers comme « l’activité commerciale consistant à mettre en relation un agent immobilier ou un promoteur immobilier et toute autre personne souhaitant vendre ou louer un bien immobilier ».
S’agissant de la condition de qualification professionnelle, l’apporteur d’affaires immobilier devra avoir accompli avec succès la formation accélérée spécifique, notamment disponible auprès de la House of Training de la Chambre de Commerce, portant sur la déontologie professionnelle et la législation luxembourgeoise relative au mandat, à la vente, aux droits d’enregistrement, aux baux à loyer, à l’aménagement du territoire, aux autorisations de bâtir, aux autorisations d’exploitation, à la vente d’immeubles à construire, aux garanties en rapport avec les immeubles, à la taxe sur la valeur ajoutée, à la copropriété, aux pratiques commerciales, à la rémunération des agents immobiliers et à la lutte contre le blanchiment d’argent.
La Loi de 2023 n’impose toutefois pas à l’apporteur d’affaires immobilier de disposer, à tout moment, d’une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle couvrant ses engagements professionnels.
1.2. L’exploitant d’un établissement d’hébergement
La Loi de 2023 définie l’activité d’exploitant d’un établissement d’hébergement comme « l’activité commerciale qui consiste à louer des unités d’hébergement et qui s’étend à 90 nuitées ou plus, cumulées au cours d’une année ». Par unité d’hébergement, il faut entendre un « espace de logement meublé à destination d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ». En pratique, il sera établi pour chaque unité d’hébergement un décompte des nuitées qui s’additionne avec les nuitées dans les autres unités d’hébergement offertes par le même exploitant. Ce décompte servira de base pour le calcul du seuil de 90 nuitées.
Sans grande surprise, ces dispositions de la Loi de 2023 viennent principalement réglementer la location de courte durée réalisée via les plateformes internet de mise à disposition d’unités de location (type Airbnb).
S’agissant de la condition de qualification professionnelle, l’exploitant d’un établissement d’hébergement devra avoir accompli avec succès la formation accélérée spécifique, notamment disponible auprès de la House of Training de la Chambre de Commerce, portant sur la connaissance des règles générales d’hygiène et de sécurité des denrées alimentaires ainsi que des modalités de vérification du respect de ces règles. La formation portera également sur le respect des droits de l’Homme ainsi que la protection des mineurs. Le délai pour accomplir cette formation est de 6 mois suivant la date à laquelle l’établissement réalise 90 nuitées ou plus, cumulées au cours d’une année.
1.3. La location de bureaux ou d’espace de travail partagé
Cette activité n’est pas expressément définie par la Loi de 2023 laquelle prévoit seulement que toute entreprise qui souhaitera exercer une activité de location de bureaux ou d’espace de travail partagé devra au préalable solliciter et obtenir une autorisation d’établissement pour activité et services commerciaux de location d’espace de travail partagé ou bureaux avec services auxiliaires. L’activité visée renvoie toutefois assez clairement aux centres d’affaires, en ce compris les centres dits de « coworking », qui se sont multipliés au Luxembourg ces dernières années.
La Loi de 2023 ne prévoit pas de condition de qualification professionnelle pour cette activité.
Désormais, nul ne peut dans un but de lucre exercer, de manière habituelle à titre principal ou accessoire, une de ces trois activités sur le territoire du Grand-Duché sans être titulaire d’une autorisation d’établissement pour activité commerciale spécialement règlementée sous peine de s’exposer aux sanctions pénales prévues par l’art. 39 de la Loi. Il s’agit, pour les personnes physiques d’une peine d’emprisonnement de huit jours à trois ans et d’une amende de 251 à 125.000 euros ou d’une de ces peines seulement, et pour les personnes morales, d’une amende de 500 à 250.000 euros. La fermeture provisoire de l’établissement concerné peut aussi être encourue.
La Loi de 2023 remplace en effet ces obligations, lesquelles pouvaient être difficiles à remplir en pratique pour un bon nombre de commerçants, par :
Certains dirigeants résidant dans l’UE pourront ainsi devenir porteur de l’autorisation d’établissement à partir du moment où ils pourront démontrer une présence physique régulière dans les locaux de la société.
La Loi de 2023 introduit néanmoins une limite aux fonctions de dirigeant en précisant qu’une personne physique ne pourra être désignée comme dirigeant de plus de deux entreprises artisanales, si ces entreprises ne font pas partie du même groupe d’entreprises, pour les métiers des listes A et B jointes en annexe à la loi. Par dérogation, une personne physique pourra toutefois être désignée comme dirigeant de plus de deux entreprises si elle détient, directement ou indirectement, dans chacune de ces entreprises, au moins 25 % des parts sociales.
Il s’agit ici de faciliter le droit d’entreprendre après un premier échec, en donnant l’opportunité à un opérateur économique de bénéficier d’une confiance renouvelée à entamer une nouvelle activité.
Le ministre de l’Economie pourra ainsi accorder une nouvelle autorisation d’établissement sur base de l’honorabilité professionnelle d’un ancien dirigeant, ou d’une personne ayant été en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration d’une entreprise, ou qui a été détenteur de la majorité des parts sociales, d’une entreprise déclarée en faillite.
Le ministre rendra sa décision de nouvelle chance après avis consultatif rendu par une commission de la nouvelle chance convoquée à l’initiative du ministre afin d’évaluer la viabilité de l’activité projetée.
Le demandeur de l’autorisation devra être mesure d’établir que la faillite a directement été causée par :
1) une calamité naturelle qui a été reconnue comme telle par le Gouvernement en conseil ;
2) une destruction involontaire du lieu de production ou de l’outil de production ;
3) la perte d’un client prééminent ;
4) un chantier de travail public d’envergure ;
5) l’incapacité partielle ou totale de travail du dirigeant médicalement attestée ;
6) une pandémie reconnue comme telle par le Gouvernement en conseil ;
7) (en cas de faillite rendue sur aveu) une perte de rentabilité à la suite d’une perturbation majeure du marché.
A noter qu’alors que l’accumulation de dettes importantes auprès des créanciers publics dans le cadre d’une faillite ou d’une liquidation judiciaire prononcée constitue automatiquement un manquement affectant l’honorabilité professionnelle du dirigeant, la Loi de 2023 prévoit qu’il n’est pas requis du dirigeant, dans le cadre de « la seconde chance », d’obtenir un accord de paiement par les administrations concernées, pour les montants ne dépassant pas les seuils définis ci-après :
1) concernant la taxe sur la valeur ajoutée, 1% des montants nets effectivement versés, pendant les cinq derniers exercices, à l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA ;
2) concernant les impôts directs, 1% des montants effectivement versés, pendant les cinq derniers exercices, à l’Administration des contributions directes. Le seuil ne s’applique pas aux retenues à la source ;
3) concernant les cotisations sociales, un montant équivalent de quatre mois de cotisations, calculé par le Centre commun de la sécurité sociale sur la base de la moyenne mensuelle des vingt-quatre derniers mois.
Le même principe s’applique concernant l’honorabilité professionnelle des personnes en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de l’entreprise et du détenteur de la majorité des parts sociales.
La Loi de 2023 prévoit une série de mesures visant à simplifier la procédure d’obtention/de renouvellement d’une autorisation d’établissement, telles principalement :
La Loi de 2023 maintient la distinction entre le manquement privant la personne concernée de toute honorabilité et le manquement affectant l’honorabilité, tout en définissant/illustrant ces deux cas.
Constitue ainsi un manquement privant les personnes concernées de l’honorabilité professionnelle, tout comportement ou agissement contraire à une loi, un règlement ou une mesure administrative qui affecte si gravement leur intégrité professionnelle qu’on ne peut tolérer qu’elles exercent ou continuent à exercer l’activité autorisée ou à autoriser. La nouveauté de 2023 réside ici dans la référence à une pratique contraire à une norme légale, règlementaire ou administrative, permettant une constatation plus objective du manquement.
S’agissant des manquements qui affectent l’honorabilité des personnes concernées, la liste s’agrandit et renferme désormais les cas suivants :
a) Le recours à une personne interposée ou l’intervention comme personne interposée dans le cadre de la direction d’une entreprise soumise à la Loi de 2011
b) L’usage dans le cadre de la demande d’autorisation de documents ou de déclarations falsifiés ou mensongers
c) Le non-respect, à au moins 2 reprises au cours des 3 derniers exercices, des obligations de dépôt et de publication découlant de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises
d) Le défaut persistant sur une période d’au moins 6 mois de procéder à l’inscription requise par la loi modifiée du 13 janvier 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs
e) L’accumulation de dettes importantes auprès des créanciers publics dans le cadre d’une faillite ou liquidation judiciaire prononcées. L’importance des dettes est appréciée par rapport à l’effectif équivalent temps plein de l’entreprise et par rapport à son chiffre d’affaires des 3 années ayant précédé la faillite ou la liquidation judiciaire, ou si l’entreprise a existé moins de 3 ans au moment de la faillite ou de la liquidation judiciaire, au chiffre d’affaires total réalisé
f) Toute condamnation définitive à une peine criminelle ou correctionnelle pour une infraction en relation avec l’activité exercée ou à exercer
g) Tout manquement à l’obligation de l’article 8ter de la Loi de 2011 (cf. organisateur de voyage ou prestataire de voyage)
h) Le défaut de procéder aux déclarations d’impôt direct, en ce compris les déclarations de retenue à la source, ou d’impôt indirect, relative à 2 exercices subséquents au cours d’une période de 3 ans
i) La dissimulation d’une partie du passif ou l’exagération de l’actif de l’entreprise à l’encontre d’un nouveau dirigeant devant endosser l’autorisation d’établissement ou des détenteurs de la majorité des parts sociales ou des personnes en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de l’entreprise
A noter que le respect de la condition d’honorabilité est toujours exigé dans le chef non seulement du dirigeant, mais également du détenteur de la majorité des parts sociales ou des personnes en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de l’entreprise.
Sont soumis à une notification au ministre de l’Economie dans le délai d’un mois, via le portail d’échange de l’Etat :
A noter que la modification de la dénomination de l’entreprise et la modification de la forme juridique de l’entreprise ne sont plus des cas de notification obligatoire.
L’autorisation d’établissement dument délivrée perd sa validité en cas de :
Toute personne physique ou morale qui est déjà titulaire d’une autorisation d’établissement au moment de l’entrée en vigueur de la Loi de 2023, soit au 1er septembre 2023, a jusqu’au 1er septembre 2025 (soit un délai de deux ans à partir du 1er septembre 2023) pour se mettre en conformité avec les dispositions prévues aux articles 8ter à 10 de la Loi de 2011 lesquelles concernent notamment les nouvelles professions/activités d’apporteur d’affaires immobilier, d’exploitant d’un établissement d’hébergement et de location de bureaux ou d’espace de travail partagé.