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Le Conseil de la Concurrence
Posted on 16 March 2021 in News > Business & Commercial > Litigation & Dispute Resolution

Le Conseil de la Concurrence est l’autorité chargée du respect des règles gouvernant la concurrence entre entreprises au Luxembourg, et de l’émission de sanctions en cas d’atteinte à ces règles . La hausse continue des amendes infligées et[1], la médiatisation accrue de ces sanctions dissuade davantage les pratiques anticoncurrentielles. Le Conseil de la Concurrence va même jusqu’à surveiller des comportements anticoncurrentiels adoptés par les quelques entreprises tirant avantage de la pandémie[2].

Comme tous les secteurs sont concernés[3], il est indispensable de s’intéresser à la mission (I), ainsi qu’à l’éventail des prérogatives (II) de cette autorité administrative puissante, qui coexiste avec les juridictions traditionnelles.

I. Champ d’action du Conseil de la Concurrence

Contrôle du respect des règles de la concurrence au Luxembourg

Le Conseil de la Concurrence est exclusivement compétent pour intervenir en cas de non-respect des règles de la libre concurrence au Luxembourg.

Les protagonistes du droit de la concurrence sont les entreprises, définies par la jurisprudence comme  « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son modèle de financement ». Ainsi, une commune est par exemple susceptible d’être qualifiée d’entreprise au sens du droit de la concurrence en raison de l’activité économique exercée à travers ses services communaux.

La notion de pratique anticoncurrentielle est à distinguer de la notion voisine de concurrence déloyale. Ces deux concepts diffèrent désormais[4], alors que la victime d’une pratique anticoncurrentielle est l’entreprise concurrente et un acte de concurrence déloyale fait préjudice au consommateur lui-même (notamment son induction en erreur par la pratique déloyale mise en œuvre par une entreprise en situation de concurrence[5]).

Le Conseil est saisi, lorsque la pratique litigieuse affecte le territoire du Luxembourg (en partie ou intégralement). Une pratique anticoncurrentielle qui s’élèverait au niveau européen tombe sous le contrôle de la Commission européenne.

Contrôle déclenché par une infraction au droit de la concurrence

Le Conseil de la Concurrence a pour mission de veiller à l’application des articles 3 et 5 de la Loi ainsi que celle des articles 101 et 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »).

  • L’article 3 de la Loi, par reprise de l’article 101 TFUE en droit luxembourgeois, interdit les ententes entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de fausser ou de restreindre la concurrence au sein du marché intérieur.
  • L’article 5 de la Loi, par reprise de l’article 102 TFUE en droit luxembourgeois, interdit à une entreprise en position dominante d’utiliser cette position pour adopter des pratiques qui auraient pour objectif d’exploiter ses consommateurs (abus d’exploitation) ou d’exclure du marché ses concurrents (abus d’éviction). Selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE»), une part de marché de plus de 50% crée une présomption de position dominante.

II. Les actions du Conseil de la Concurrence

Les pouvoirs d’enquête


Le Conseil de la Concurrence, qui peut s’autosaisir d’une affaire ou bien être saisi par plainte de toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt à agir, nomme un conseiller chargé de l’instruction du dossier. À cette fin, le conseiller désigné dispose d’un certain nombre de pouvoirs d’enquête :

  • Il peut demander aux entreprises tous les renseignements nécessaires pour l’instruction de son enquête. Les entreprises qui ne s’y conforment pas (absence de réponse / réponse inexacte) encourent une amende pouvant s’élever à 1% du chiffre d’affaires total de l’exercice social précédent, voire une astreinte pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires journalier moyen réalisé au cours de l’exercice social précédent par jour de retard[6].
  • Il peut interroger toute personne physique ou morale susceptible d’apporter des informations pertinentes pour le traitement de l’affaire[7].
  • Il peut ordonner aux enquêteurs de procéder à toutes les inspections nécessaires sur le site des entreprises concernées afin de rechercher des éléments permettant de prouver l’infraction. L’ordonnance du conseiller sera présentée au dirigeant de l’entreprise inspectée et devra contenir, sous peine de ité, l’objet et le but de l’inspection[8].

Au terme de son enquête, le conseiller rédige un rapport qu’il soumet au Conseil de la Concurrence.

  • Soit le Conseil décide que l’entreprise ou les entreprises n’ont pas adopté de comportement anticoncurrentiel et il classe l’affaire sans suites.
  • Soit le Conseil décide qu’il peut identifier des pratiques qui lui semblent anticoncurrentielles et il procédera à l’audition de la ou des entreprises concernées. Les entreprises doivent prendre position dans les deux mois

Les pouvoirs de sanction


Lorsqu’il constate l’existence d’une infraction aux règles de la concurrence, le Conseil de la Concurrence peut :

  • Ordonner la cessation de l’infraction par voie d’astreinte à l’égard des entreprises[9]
  • Prononcer une amende pouvant s’élever à 10% du montant du chiffre d’affaires mondial annuel hors taxes de l’entreprise, pour autant que le montant de l’amende soit proportionné à la gravité et à la durée de l’infraction[10]. Pour déterminer le montant de l’amende, le Conseil, détermine d’abord un montant de base et, ensuite, ajuste celui-ci à la situation individuelle de l’entreprise en considération de circonstances aggravantes ou atténuantes, du chiffre d’affaires et d’une éventuelle procédure de clémence. Toutefois, le Conseil de la Concurrence peut entamer une procédure de clémence, lui permettant de réduire le montant de l’amende à l’encontre de la première entreprise membre d’un cartel qui viendrait à dénoncer la pratique et apportant les preuves nécessaires[11].

Les entreprises destinataires disposent d’un recours en justice devant le tribunal administratif contre cette décision, lequel peut soit la réformer soit l’annuler.

Les pouvoirs de prévention


Néanmoins, la mission du Conseil de la Concurrence n’est pas exclusivement axée sur la répression. En effet, l’autorité poursuit également une finalité préventive :

  • Le Conseil de la Concurrence peut, lorsqu’il envisage adopter une décision de sanction, accepter des engagements de l’entreprise de nature à garantir la cessation pure et simple du comportement illégal, sans préjudice d’une éventuelle réouverture de la procédure[12].
  • Le président du Conseil peut ordonner des mesures conservatoires pour faire cesser rapidement un comportement anticoncurrentiel suffisamment grave[13]. Ces mesures durent aussi longtemps que nécessaire, jusqu’à l’adoption d’une décision au fond. Elles peuvent le cas échéant être assorties d’une astreinte.
  • Le Conseil peut mener des enquêtes sectorielles lorsque certains éléments laissent présumer une atteinte à la libre concurrence. Ainsi, le Conseil intervient de sa propre initiative pour éviter la réalisation d’effets anticoncurrentiels[14].

 

Le Conseil de la Concurrence est une autorité administrative en développement qui a un impact fondamental sur le comportement des entreprises envers leurs concurrents sur le marché.

Un projet de loi n°7479[15] réorganise cette matière. Le Conseil de la Concurrence sera rebaptisé « Autorité Nationale de Concurrence », qui opérera sous la forme d’un établissement public et dont l’éventail de prérogatives sera élargi davantage.

 

[1] Décisions 2020-FO-03, 2020-FO-04 et 2020-FO-05 – Bahlsen, Auchan, Cactus et Delhaize en date du 18 novembre 2020, infligeant une amende de 3,3 millions d’euros au producteur allemand Bahlsen et aux supermarchés Auchan, Cactus et Delhaize pour des prix imposés à la revente de certains produits pendant une période de 5 ans sur le territoire du Luxembourg.

[2] Décision 2020-MC-06 – Laboratoire Nationale de Santé du 17 décembre 2020, par laquelle le Président du Conseil de la Concurrence a rejeté une demande de mesures conservatoires introduite par la société Bionext S.A. à l’encontre du Laboratoire National de Santé.

[3] En matière de droit de la construction notamment : Décision 2019-C-02 – Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils et Monsieur Carlo Franck, par laquelle le Conseil de la concurrence a procédé au classement sans autres suites d’une plainte visant l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils et Monsieur Carlo Franck dans l’exercice de son activité économique d’architecte. Voir aussi : Décision 2010-FO-01 – Affaire carreleurs, infligeant des amendes de 15’000 à 25’000 euros à diverses sociétés  du secteur de la pose et vente de carrelages pour formation d’une entente sur la fixation des prix et la répartition des marchés par le biais d’offre de couverture.

[4]cf. Loi du 23 décembre 2016 ayant réformé de manière conséquente la matière de concurrence déloyale

[5] Par exemple le fait pour une entreprise de créer de la confusion visuelle et phonétique entre elle-même et son concurrent, de nature altérer substantiellement le comportement du consommateur moyen.

[6] Article 22 de la Loi

[7] Article 15 de la Loi

[8] Article 16 de la Loi

[9] Articles 11 et 22 de la Loi

[10] Article 20 de la Loi

[11]Article 21 de la Loi

[12] Article 13 de la Loi

[13] Article 12 de la Loi

[14] Article 30 de la Loi

[15] Projet de loi n°7479 portant organisation de l’Autorité nationale de concurrence et abrogeant la loi 23 octobre 2011 relative à la concurrence

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